La transition alimentaire, source d’inspiration

Voici un extrait d’un texte rédigé pour la Région Bretagne, au nom de l’agence Papillote et de moi-même, nécessaire à l’explication du métier de designer culinaire pour la transition alimentaire.

Une cuisine bio-inspirée

Pour limiter les émissions des gaz à effet de serre liées au transport ou à l’usage de serres chauffées (justement) utilisées pour une production hors saison, pour reconnecter les mondes agricoles et urbains, pour renforcer la sécurité alimentaire de nos territoires et leur résilience, pour préserver la biodiversité de la faune et de la flore, il est urgent d’agir vite et intensément pour la transition alimentaire. Deux objections peuvent émerger après avoir parcourru cet ouvrage (nous les avons déjà entendues, nous en avons discuté) :
«C’est bien beau tout ça, mais ça invite à faire de belles images pour vendre plus, est-ce vraiment compatible avec une nécessaire sobriété ?». Et, à l’inverse : «Si l’on prend en compte les contraintes liée à la transition alimentaire, est-ce que l’on peut encore créer ?»

«De la contrainte nait la créativité» (un adage bien connu des designers) ; et quelle merveilleuse contrainte que celle de la nature ! À ces deux questions nous répondons, dans une approche bio-inspirée, bio-mimétique, régénérative et consciente :

«La Nature est notre source d’inspiration et sa préservation notre cadre de travail – sine qua non.»

4 pistes créatives pour une cuisine responsable

Voici quelques pistes pour faire d’un engagement écologique une inspiration créative au quotidien

1. Une cuisine zéro déchet et anti-gaspi :
À l’heure où 30% de la production alimentaire mondiale est destinée à être gaspillée (lorsque
l’on cumule les rebuts à chaque étape de la chaine alimentaire), cuisiner l’intégralité d’un légume,
d’une viande ou d’un poisson pour optimiser cette matière première est nécessaire. Cela amène à la fois à redécouvrir des recettes traditionnelles oubliées (terrines, consommés, abats) et à en penser de nouvelles : bouillon de poule aux épices, oeufs de poisson fermentés (haviorig), huile de homard, soupe d’étrilles, pesto de fanes de radis, feuilles de chou-fleur rôties au beurre, tempura de fanes de carottes, chips de peau de poulet, terrine de pied de cochon…
Une approche zéro déchet, elle, propose une esthétique du repas et du restaurant plus harmonieuse : Concevoir la matière naturelle comme emballage potentiel (madeleines cuites dans des coquilles saint-jacques, gâteau de riz cuit dans une feuille de figuier, salade de fruits dressée dans la coque d’un melon ou d’une pomme, canapés et mises en bouche dressés dans un coquillage, etc.). Mettre en bocal ses préparations, et faire de ces nouvelles arrière-cuisines une mise en scène au restaurant ou en boutique.

2. Une cuisine des produits de saison et des circuits courts :
C’est accepter que les tomates soient plus abondantes en octobre qu’au mois de mai, et adapter les recettes en conséquence (la salade de tomates mozza, c’est super, mais un ragoût de porc à la tomate ou un chili con carne aux cocos de Paimpol c’est pas mal aussi).

C’est aussi préserver le meilleur de la saison de diverses manières pour profiter toute l’année de la quintessence du goût de la terre : cuirs de fruits, lacto-fermentation, confits, pickles, coulis, liqueurs, etc. Tous les coups sont permis, et les associations aussi esthétiques que savoureuses sont encouragées !

3. Une cuisine végétalisée et gourmande :
Limiter l’impact carbone de nos assiettes passe évidemment par une réduction de la consommation de viande, notamment bovine. Cela ouvre un champ des possibles phénoménal en termes de «revisite» des recettes traditionnelles. Un pesked ha farz, ou kig ha farz végétal ; un far breton au lait de chanvre ; une galette saucisse végétale…
Ce qui importe ici est de conserver les deux éléments qui font le succès de la viande dans notre société :

  • Le fameux goût «umami» issu de la réactionde maillard, que l’on retrouve dans certaines espèces végétales et que l’on peut provoquer par le feu (rôtir, griller au barbecue, frire, etc.)
  • Le plaisir de découper et de partager une préparation culinaire autour de la table (d’où le succès du chou-fleur rôti, des méga patates douces au barbecue, le renouveau des tartes paysannes et autres tourtes, etc.)

4. Une cuisine de la pêche durable :
Les ressources halieutiques (maritimes) sont menacées(1). Certaines espèces sont en voie de disparition car ayant été pêchées de manière trop intensive (bar, maquereau, sardine) ou subissant les effets néfastes du réchauffement des océans ; d’autres colonisent nos côtes (le poulpe). Faute d’acheteurs, les pêcheurs rejettent à la mer des poissons tout à fait comestibles.

Ces espèces inattendues invitent à repenser les soupes de poissons, ou de «godaille» comme disaient les anciens, à imaginer de nouvelles recettes épicées, à intaller des fumoirs sur les ports ou à la maison… Et les belles pièces d’espèces dites «nobles», elles, sont cuisinées en intégralité par respect : rillettes, bouillon, beurre de foie, arêtes frites, chips de peaux grillées…

1En 2020, 28% des 75 stocks évalués dans l’Atlantique Nord-Est sont encore surexploités, et 85% en Méditerranée – rapport CSTEP, Avril 2022

Les possibilités sont infinies !

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